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Le Féminin sauvage dans mon coeur

Chère Harmonie, je voulais te partager ici le texte que j’ai écris pour Ouitch sur le Féminin Sauvage… J’espère que la louve en toi se mettra à courir à sa lecture !

Il est tard et tu ressens des douleurs dans ton corps. Tu fermes les yeux et respires à fond. Tu le sens dans le creux de ton ventre se contracter lentement. Si petit et pourtant si puissant. Le sang commence à couler. Elles arrivent. Tu lèves les yeux vers le ciel et distingues à travers les volutes cotonneuses l’astre iridescent. Son fin croissant réapparaissait ce soir. Tu poses tes mains de part et d’autre de ton nombril et souris. Cela t’avait pris du temps. Plus que tu ne voudrais bien l’admettre pour l’accepter, l’apprivoiser, le connaître et surtout l’aimer.

Tu abaisses tes paupières et sens l’odeur du vent. Il soulève des boucles indisciplinées. Elles frisottent dans l’air humide autour de la rivière. Tu ne t’intéresses pas à ton apparence. Tu te lèves et t’approches du cours d’eau. Tu quittes les herbes folles légèrement humides et tes pieds s’enfoncent dans la terre meuble en pente douce. Tu te sens ancrée dans le monde, connectée à la fois à Gaïa et à Hécate. Tu laisses ta tête basculer en arrière et hurles comme une louve sous le corps céleste. Des hululements brisent le silence de la forêt et les odeurs de mousse et de lichen t’emplissent le nez. Tout ton corps se tend et tes poils se hérissent sur ta peau tannée. Le sang goutte et la tourbe l’avale après un dernier scintillement à sa surface. Tu t’allonges, les bras le long de tes oreilles, ta poitrine nue fièrement dressée vers le firmament.

Tu entends des chuchotis, des rires légers et un sourire fend ton visage apaisé. Elles sont là, elles aussi. Félines, leur nature étouffe leurs pas. Elles t’entourent et vous vous prenez les mains. Toutes différentes et pourtant si semblables. Il te semble que vos cœurs battent à l’unisson. Tu te sens complète, entière et vos échanges de regards sont lourds de sens. Nul besoin de parler, les messages se transmettent de mains en mains, de frissons en caresses, de soupirs en rires.

Soudain, un cri déchire la symphonie du moment. D’abord étonnées, vous restez silencieuses, mais la complainte se poursuit. L’une de vous se lève et part en éclaireur. L’angoisse étreint ton cœur alors que les minutes s’égrènent. Elle ne revient pas. D’autres partent à sa recherche, puis d’autre encore… Tu restes seule. Tu t’agites et t’enfonces jusqu’aux cuisses dans la vase et tu halètes. Tu as besoin de tes sœurs, mais aucune n’est revenue. Tu n’oses pas bouger de peur d’être engloutie définitivement et être coupée d’elles à tout jamais.

L’aube se lève et les lumières pastelles adoucissent le paysage. Entre les arbres, une ombre glisse…. Tu te sens comme une proie prise au piège. Tu retiens ton souffle et observes ton prédateur. Est-ce une de tes sœurs ? Ont-elles envoyés quelqu’un te chercher ? Le soleil est haut dans le ciel et l’ombre attend toujours son heure. Tu te sens plus seule que jamais, tu ne sais pas quoi faire. Le soleil peine à te réchauffer tant ton cœur te semble geler. Tu finis par gémir de désespoir et la silhouette s’approche enfin de toi. Il paraît grand, fort, rassurant. Il t’arrache à la glaise sans effort et te recouvre de tissu. Tu ne comprends pas tout de suite.

Il t’emmène et te propose à boire et à manger. Il y a tout ce que tu désires et plus encore. Les fruits débordent des paniers. Le lit est confortable. Il fait chaud. Tu n’as que peu d’effort à faire. Il ne te demande que de bien te vêtir, de l’attendre le soir, de réchauffer son lit… Tu t’adaptes. Tu demandes souvent où sont passées tes sœurs, mais il ne répond pas. Tu te sens confortable, mais incomplète. Tu restes parfois des heures à regarder fixement par la fenêtre sans savoir ce qui te rend si nostalgique, si vide. Il t’en détourne alors par des jeux, des objets colorés, des mets plus sucrés et tu oublies… 

Un jour, il doit partir et te demande de t’occuper de son jardin. Tu rêvais de pouvoir y aller, même si tu ignores de quoi il s’agit, mais tu te sens appelée par cet endroit. Quand il en revient, il sent la terre et porte des paniers de fruits et de fleurs dont il te pare. Il t’y emmène.

Des rangées d’arbres s’alignent. Chacune d’une espèce pour un fruit différent. Les salades se pressent les unes contre les autres séparées, par une bande de terre tassée et stérile, des tomates. Chaque chose a sa place et rien ne dépasse. Il t’explique comment arracher les mauvaises herbes qui poussent entre les plants. Il te montre comment tailler les branches qui dépassent trop. Tu apprends vite et y prends un certain plaisir.

Il te laisse et chaque jour, tu t’appliques à suivre son enseignement. Tu sèmes les graines dans des sillons bien droits. Tu retires toute plante qui te paraît difforme. Tu cueilles des fleurs pour égayer ton intérieur. Tu t’évertues à retirer la terre de sous tes ongles. Tu balances de l’engrais quand ça ne va pas trop vite à ton goût. Tu râles car tu as l’impression que c’est un éternel recommencement et que les plantes font tout pour te rendre la tâche plus ardues. Pourtant, lorsque tes mains sont dans la terre, tu ressens un certain apaisement. 

Un coin qui ne reçoit jamais le soleil en direct ne donne rien. Tu as beau plantée, amendée, rien n’y pousse. Tu l’abandonnes donc, stérile. Pourtant, un jour tu remarques qu’une plantule y croît. Tu ne connais pas cette espèce et es tentée de l’arracher jusqu’à la racine. Mais un frémissement à son contact t’en empêche. Tu la regardes donc grandir. Chaque matin, tu es plus étonnée que la veille de la voir s’épanouir, là où la vie ne semblait pas vouloir prendre auparavant. Tu la prends en affection et sens ses parfums délicats. Tu te mets à récupérer des herbes qui poussent sauvagement ailleurs pour les y ajouter et tu crées une zone secrète presque intime où les variétés de sauge se mêlent à la menthe et aux orties. Tu apprends à te servir de ces espèces et les utilisent au quotidien, mais il découvre le pot aux roses et mets le feu à tes précieuses amies, celles qui avaient remplacée dans ton cœur tes sœurs égarées. Tu hurles et supplies, mais c’est peine perdu, tu comprends que si tu ne te résignes pas, tu pourrais en subir les conséquences. Tu ne veux pas risquer d’être bannie et de te retrouver à nouveau abandonnée. Tu gardes pourtant toutes les graines recueillies dans un vain esprit rebelle. Tu reprends l’entretien monotone du jardin ordonné.

Un matin, tu entends pourtant un murmure. Un murmure qui réveille en toi un sentiment étrange. Tu t’immobilises et écoutes. Ce n’était que le vent. Tu te remets à l’ouvrage et le chuchotis reprend. Le chuchotis te mène jusqu’à l’abri de jardin où tu avais cachés les graines. Tu les prends dans ta main et ressens une pulsion. Tu cours au milieu de ton jardin et la brise reprend. Tu te mets à danser et desserre ton poing. Les graines dans ta main tressaillent et elles s’envolent autour de toi. Non, tu essayes de les attraper au vol, mais alors tu les vois, vraiment… Toutes ses vies enfermées, bridées.

Les larmes se mettent à couler sur tes joues et tu les reconnais. Tes sœurs. Elles étaient là, près de toi, depuis tout ce temps, en rang d’oignons. Réduite à des tâches de reproduction ou à une esthétique modelée. Entravées. Tu tombes à genoux et pleures. Elles ne t’avaient pas abandonnées, juste oubliées, formatées comme elles l’ont été. Les gouttes salées tombent au sol et tu vois la terre la boire. Tu réalises que tu ne lui a plus rien donner, tu lui as seulement pris. Tu défais ta tunique et t’assois comme autrefois sur le sol. Le sang goutte et le nourrit à nouveau. Tu réalises à quel point tu te sentais isolée et seule, tu te rappelles enfin de l’union d’antan.

Tu fermes les yeux et tends les mains vers tes sœurs. Tu sens leurs caresses délicates et tu cris. La terre tremble. Tu te relèves et te mets à danser. Tu récupères les graines et les envoies valser autour de toi. Tu perds la notion du temps et laisses la vie emplir tout ton cœur et continues à danser, à chanter en communion avec la terre et la lune.

Quand tu ouvres à nouveau les yeux, tu ne vois plus que la vie à foison. Tu es à nouveau dans une forêt, une forêt de lumière, de joie et d’amour et tu distingues les sourires de tes sœurs autour de toi.

Tu te réveilles en sursaut. Tu frissonnes et regardes autour de toi. Tu es allongée dans ton hamac qui se balance sur la terrasse. Ce n’était qu’un rêve. Au loin, un hululement te répond. Peut-être un rêve, mais pas seulement… Tu resserres les pans de ton peignoir autour de ton corps et pestes contre les lumières artificielles dont est baignée la rue. Où est donc la forêt à laquelle tu aspires ? Ici, tu dois faire avec le bruit, les odeurs et la pollution de la vie urbaine plutôt qu’avec le murmure du vent frais dans les arbres, les chants des oiseaux et l’odeur de l’herbe recouverte de rosée.

Ton chemin vers ton Être sacré te semble si difficile, ici et maintenant. Tu quittes ta terrasse et poses tes yeux sur les plantes vertes en pot que tu amoncelles pour rendre cet endroit plus vivant. Comme elles, tu te sens déracinée, perdue. Rempotée à la va-vite dans un pot trop étroit pour toi. Déconnectée de tes sœurs et de la terre-mère. Es-tu une plante qu’on a vainement essayé de tuteurer pour qu’elle se conforme à ce qu’on attend d’elle ? Tu te sens comme telle. On attend de toi que tu sois toujours belle et que tu t’épanouisses (mais pas trop) dans ce pot à la terre dénutrie, emprisonnée, coupée du reste du monde. Une graine qu’on a plantée dans cette terre mise en sachet, amendée des nutriments qu’on a jugé bon pour obtenir le résultat attendu, mais qui ne dois en aucun cas s’étendre au-delà de la poterie, ni prendre trop de place.

Derrière les vitres sales, tu ne peux fleurir comme tu le voudrais et tu ignores même ta capacité à communiquer avec le reste du monde. Pourtant, ton ventre te crie que tu es unique. Tu es une graine qui renferme tant de possibilités qu’on a bridées. Ils n’ont pas compris que pour t’ouvrir au monde, tu devais aussi revenir en toi. Tu ne peux être toujours ouverte et tourné vers l’extérieur, tu as besoin aussi d’entrer en toi-même à la recherche de toutes ses semences dans ton corps qui ne demande qu’à s’exprimer enfin.

Ton utérus se contracte à nouveau. Ta matrice est là. Comme un terreau dans lequel tout est possible. Tu pleures en songeant que ce qu’on fait aux femmes, on le fait à la terre aussi. Toutes ces forêts rasées, ses terres recouvertes de béton… On l’a brûlée comme les sorcières.

Tu mets tes mains en coupe sous ta Yoni et récupères quelques gouttes de vie. Et si c’était simplement ça être une femme, une femme entière, une femme sauvage, une femme sorcière ? Faire partie du cycle de la vie ? Faire pousser des graines qui s’épanouissent ou non, tenter des choses, semer aux quatre vents et voir ce que ça donne.

Oui, être femme, ce sont tous ces potentiels dans ton ventre, c’est le cycle du monde, de la vie sans cesse renouvelée et sans fin. C’est la vie qui grouille et côtoie aussi la mort. Un jardin où tout se mélange, où la nature reprend ses droits. C’est accepter qu’on ne puisse pas plaire à tous, mais ne pas cacher sa véritable nature pour autant.

Ellega

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