SPIRITUALITE

La mort n’est pas le contraire de la vie ou comment mes fausses-couches m’ont éveillée ?

Chère Harmonie,

Encore une lettre qui traîne dans mes brouillons depuis des mois. Un sujet que j’ai envie d’aborder depuis que j’ai ouvert le blog. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle j’ai eu envie d’écrire ici. Ces douloureuses expériences m’ont donné envie de partager les interrogations qu’elles ont réveillées en moi.

Je parle bien sûr de mes deux grossesses arrêtées. Je préfère ce terme même s’il n’est pas idéal à celui de fausses-couches. J’utilise tout de même cette expression, car c’est ainsi que cet événement est nommé par la plupart des personnes, il a donc l’avantage d’être compris par tous. Elle contient malheureusement cette terrible négation, or ces grossesses n’étaient ni fausses, ni mensongères, ni hypocrites… 

Faces à ces moments tragiques, je me suis finalement sentie très seule. J’étais chamboulée et je ne savais pas vers qui me tourner. Personne ne semblait avoir les réponses dont j’avais besoin. Même si j’aurais eu aussi besoin de réconfort, ce n’est au final pas ce dont j’avais le plus besoin. Je voulais ou plutôt j’avais besoin de savoir, comprendre, trouver un sens. J’ai donc dû les chercher moi-même. Je n’ai rien trouvé qui soit universel, il y a simplement des choses qui m’ont parlé à moi, qui m’ont fait changé moi… C’est au final très personnel, mais aujourd’hui, je me dis que je ne peux être la seule qui tente de trouver des explications.

Alors, j’ai eu envie de partager celles qui m’ont aidé à être plus en paix, car peut-être que ça pourrait t’aider toi aussi si tu vis une expérience aussi terrible. 

Cette lettre aurait pu être une nouvelle aussi. C’est une idée qui me trotte en tête. J’ai commencé de nombreuses fois à l’écrire sans terminer (comme mes grossesses que je n’ai pas menées à terme) , peut-être qu’elle verra un jour le jour, qui sait ? Mais ici, aujourd’hui, je vais essayer simplement de t’expliquer quels virages, ces expériences m’ont fait prendre dans ma vie.

Je songe aussi d’ailleurs à écrire un petit e-book sur l’expérience de la fausse-couche. Un genre de livret gratuit que pourrait lire toutes personnes qui vit ce moment tragique qui peut être si mal vécu afin qu’elles se sentent moins seules dans ce moment. J’imagine à la fois un témoignage, mais aussi un document informatif qui regroupera tout ce qui peut arriver ou pas. Il aurait pour but d’informer aussi chaque femme de la réalité de ces événements (non, ça n’arrive pas qu’aux autres !). Je suis curieuse de savoir si ça pourrait vous intéresser ?

Bref, recentrons-nous ! Comme je l’ai déjà dit à de nombreuses reprises, la question des enfants m’a toujours causé des nœuds au cerveau (j’en ai fait un article que tu peux trouver ici.). Récemment j’ai d’ailleurs de nouvelles choses à apporter à cet article, mais le fait de fonder ou une famille ou non pourrait faire l’objet d’une thèse. Mais, peu importe, il se trouve qu’un jour, l’envie est venue, on a arrêté de se poser des questions, on a laissé la vie faire et je suis rapidement tombée enceinte. Ce test positif a clairement changé toute ma vie même si je n’ai jamais tenu cet enfant dans mes bras. 

Ces changements ont commencé alors même que je tenais ce test entre mes doigts.

L’un des premiers électrochocs que ça m’a fait a concerné l’image que j’avais de mon corps. J’ai soudainement eu envie d’en prendre soin, car il n’était plus juste le mien, il accueillait la vie. Immédiatement, j’ai voulu faire de mon mieux, aussi bien dans ma manière de m’alimenter, mais aussi dans ma vie en général. J’ai arrêté de consommer de la viande, ce que je repoussais depuis toujours pour des raisons obscures dont je parle ici.

Par un tri de tout notre appartement, j’ai voulu faire de la place à cet enfant, me désencombrer de ce qui ne me rendait pas heureuse, aller à l’essentiel. Je me suis alors intéressée au minimalisme et au rangement. J’ai poursuivis ma quête d’écologie en changeant de vitesse, je me suis mis à faire plus que ce que tout ce que je faisais jusque là, aussi bien dans le zéro déchet que dans mes achats (je suis passée à l’achat conscient) et surtout, les quelques produits non-naturels que j’utilisais encore sur mon corps (le vernis notamment) ont viré vite fait bien fait.

J’ai commencé à m’intéresser à l’accouchement naturel, car il était hors de question pour moi que je donne la vie dans un hôpital, les pieds dans les étriers. L’univers de la maternité s’est alors ouvert à moi avec ces injonctions,  pressions, conseils qui disent tout et son contraire et les violences gynécologiques. Le féminisme est devenu une idée que j’ai eue envie d’embrasser. J’ai eu écho de la CNV (communication non violente) et de l’éducation bienveillante ou en tout cas sans VEO (violence éducatif ordinaire) (mais je n’ai pas eu le temps de creuser…). 

En gros, la grossesse déjà en elle-même m’a ré-ouvert les yeux sur notre monde, sur ma place dans ce monde, sur mon corps dans ce monde et sur ce que je pouvais faire pour être en accord avec mes valeurs.

Et, puis j’ai perdu mon bébé. J’ai d’abord été dans le déni (les phases du deuil toussa toussa), mais j’ai rapidement eu besoin de comprendre. Pourquoi ? Pourquoi est-il parti ? Qu’avais-je fait de mal ? Où était-il allé ? D’où venait-il d’ailleurs ? Qui était-il ? Les questions tournaient sans cesse dans ma tête, avec cette colère, ce sentiment d’injustice, cette incompréhension qui me rongeait… Pourquoi moi ? Pourquoi nous ? Et pourquoi pas les autres ? De quoi nous punit-on ? 

Une porte dérobée qui avait toujours été là dans un coin de mon champ de vision, mais à laquelle je ne prêtais plus attention s’est alors entrouverte. Un fin rayon lumineux a attiré mon attention. Ce seuil que je n’avais jamais eu envie de passer m’a d’un coup paru être le seul capable d’assouvir mes interrogations. Je me souvenais de cette porte, pourtant. Je l’avais même bien fermée en rejetant la religion catholique enfant et tout ce que j’associais à la foi. Mais en vérité, quand certaines personnes de mon entourage évoquaient des sujets spirituels, je tendais toujours l’oreille. Une curiosité que je n’assumais pas vraiment et je me pensais, je crois, pas capable d’appréhender ce genre de chose.

Perdre cet enfant, c’était comme me rendre compte du puits sans fond de mon âme. 

C’est reprendre contact avec toutes ses questions d’enfants (mais pas que) devant le ciel étoilé. Qui je suis ? D’où je viens ? Pourquoi je suis là ? Qu’est-ce qui se passe quand on meurt ? J’avais terriblement besoin de réponse et les « la nature est bien faite », « il n’était pas viable », « ça arrive souvent » ne faisaient que les raviver.

Je ne parlais pas de son corps. Je voulais des réponses sur son âme. Je ne croyais plus au « ce n’est qu’un amas de cellules » que pourtant, j’avais intégré depuis mon adolescence. Non, j’avais ressenti cette grossesse, je l’avais vécu et je savais que ce n’était pas qu’un amas de cellules qui grandissait en moi. Ce n’était pas un cancer, ce n’était pas anarchique, il avait un but, une intention, je (nous) construisais un corps, son corps, le sien, celui qu’il utiliserait dans ce monde. J’avais porté un être vivant doué de conscience. J’en étais persuadée, je le savais. Pourquoi n’était-il finalement pas venu ? Pourquoi voulait-il venir ? Est-ce que ce n’était pas son choix de venir ? Est-ce nous parents qui avions décidé sans lui demander son avis ? 

Alors, je me suis mis à chercher et j’en ai regardé des vidéos, lus des témoignages et des livres, notamment (je vous cite ce dont je me souviens, car j’ai vraiment écumé l’internet à ce sujet et j’ai trouvé des éléments qui me convenaient plus ou moins):

Ils m’ont permis de voir la grossesse différemment, de la voir comme un processus d’incarnation et pas juste du point de vue médicale et biologique de la construction d’un corps. J’ai peu à peu acquis des certitudes ou en tout cas des convictions. Elles ne sont peut-être qu’un moyen de me rassurer, mais ça n’a pas d’importance.

Je pense désormais que chaque être qui s’incarne, le fait par choix. Il choisit sa famille, ses parents, son lieu de vie, les problèmes qu’il va devoir surmonter. 

La perte de mes deux bébés était sans doute un accord entre nous qui datent d’avant notre venue ici. Un accord par lequel ils viendraient pour me permettre de rouvrir cette porte que j’avais fermé si violemment.

Depuis que je l’ai ouverte, je n’ai plus envie de la refermer, j’ai plutôt envie de l’arracher pour qu’elle reste ouverte chaque instant du reste de ma vie. Cette brèche dans ma pensée rationnelle m’a permis une grande ouverture d’esprit. Je ne juge plus les croyances de tout un chacun et je ne cesse de m’intéresser à des nouveaux sujets (vous les voyez d’ailleurs passer ici sur ce blog, ce blog est mon terrain de jeu, mon terrain d’exploration.) : le tarot, les oracles, les pierres, l’énergie, l’alchimie, le chamanisme, la sororité et j’en passe et des meilleures

Bien sûr, j’ai conscience que je cherche peut-être à me remplir de tout cela pour ne pas sentir le trou béant qu’on laissait ces expériences en moi.

Je suis probablement en errance spirituelle, car je reste dans le mental. Je reste néanmoins persuadée que cela n’est qu’une étape de mon parcours, une autre étape importante pour la suite. Mais, je sais aussi que tout cela était déjà là avant, en moi, c’était simplement enfoui. Pourquoi, je pense cela ? Et bien, je suis en pleine réécriture d’un roman écrit avant ces tragédies et je réalise que tout était déjà, là, en suspens, en attente dans mon imaginaire. J’avais tout écrit.

Au final, ces expériences malheureuses n’ont pas été vaines même si ça n’enlève rien à la douleur que je ressens encore. J’ai grâce à ces bébés remis le spirituel au centre dans ma vie comme il devrait l’être, c’est-à-dire remettre du sacré dans le quotidien. J’ai compris que tout est spirituel, tout a une raison d’être, un but, un sens. La matière a un sens. Elle est aussi une énergie bien plus grande. 

J’ai remis les choses à leur place. J’ai cessé de considérer le monde et tout ce qu’il contient comme des objets. Tout a une conscience pour moi désormais. J’ai réappris à honorer mon corps. À appréhender mes émotions et surtout à les accepter (même si ce n’est pas encore toujours le cas). Je pose un regard différent sur le monde maintenant, comme si j’avais porté des œillères ou des lunettes teintées jusqu’ici et que mes petits anges les ont emporté avec eux quand ils m’ont quitté. 

Aujourd’hui, je suis plus moi que jamais et je ne te dirais que ce n’est pas difficile, c’est difficile. Certains jours, me lever est un enfer, mais d’autre jour, le monde me parait si beau 

Désormais, j’apprends à m’accepter, à accepter mes différences, mes ombres, mes colères, mes chagrins, toutes mes émotions, mon corps. J’assume d’être une féministe, une apprentie sorcière, une folle, une sage, une calme, une passionnée ou non… 

Je sais que toutes mes émotions ont le droit d’exister et que je dois les laisser me traverser pour ne pas qu’elles m’explosent. 

Et plus que jamais, je suis désormais convaincue que la vie ne vaut la peine que si on fait ce qu’on aime et ce qui nous parle vraiment, qu’on ne peut être en paix avec soi-même si ce qu’on fait n’a plus de sens pour nous.

Pour faire honneur à mes enfants perdus, j’ai à cœur de faire ce qui a un sens pour moi.

J’avais un refus d’incarnation a travaillé et ce n’est pas encore réglé. Oui, j’ai encore envie de fuir ce monde parfois, mais je me rends compte que j’ai le pouvoir de le vivre différemment. Même si je dois encore apprendre à lâcher prise sur ce que je ne peux pas contrôler, plus que jamais, je veux me laisser guider par la joie. J’ai compris que la mort n’est pas l’inverse de la vie, je sais que mon utérus peut créer la vie, mais aussi la mort et c’est ok !

J’apprends à me détacher de ce besoin profondément ancré dans notre ADN d’animaux. Ce besoin de créer la vie à tout prix. J’ai conscience que ces peurs ne m’appartiennent pas toutes. Ce sont les peurs d’une espèce qui doit se perpétuer, mais nous n’en sommes plus là. Je ne crée pas de trou dans le continuum de l’espèce en ayant perdu ces enfants. 

J’ai surtout compris que les autres ne sont pas différents de moi. Nous sommes tous une part du tout et que les autres femmes ne sont pas des ennemis, mais des amis et que je dois, nous devons refaire une place à la sororité dans ce monde.

Encore une fois, cette lettre est totalement décousue, Harmonie, mais pour résumer…  On notera que ces expériences ne m’ont apparemment pas aidé à être structurée !  hahaha!

Vivre ces deux expériences de mort m’a élancé vers toi pour de bon.

Je veux être en Harmonie. Avec moi, avec le monde, avec mes valeurs. Je veux être. Dans la joie, dans l’Amour, dans l’abondance et dans la lumière tout en ne rejetant pas mes ombres. Je suis. La mort n’est pas le contraire de la vie… Il ne tient qu’à moi de faire ce qui me parle, me touche, m’importe vraiment et de le faire dans l’Amour.

Ellega

PS : j’ai évoqué plus haut, le fait que je n’arrive plus à mettre au monde (à concrétiser dans la matière) suite à ces grossesses qui n’ont pas abouti à une naissance… En disant cela, j’ouvre la possibilité que le pouvoir de création est lié à notre utérus. C’est un sujet que je creuse aussi et que je dois dépasser également, si j’ai suffisamment de matière (on tourne toujours autour du concret, tiens) seriez-vous tenté par un article sur cette idée ?

5 commentaires

  • Iléana

    Superbe article. Et je suis tellement, tellement d’accord avec tout ce que tu exposes !

    J’adhère à 100% avec l’idée de l’ebook. Et tout autant avec celle de l’article sur la création et l’utérus. D’ailleurs, quand j’étais enceinte et que je ne parvenais plus à écrire (je le vivais assez mal), tu m’as dit : « Tu es en train de créer la vie, je pense que c’est normal que tu ne sois plus autant créative pour tes écrits. » Cette simple phrase m’a tellement fait du bien, si tu savais !

  • Lucie Faustine

    Quel magnifique article Ellega ! J’ai visiblement un problème avec mon incarnation (1 IVG et 3 FC). Je creuse la piste transgénérationnelle, et je serai heureuse de pouvoir témoigner pour votre e-book. Aussi j’attends (??) avec impatience votre article sur le pouvoir créateur/destructeur de l’utérus. Je nous souhaite le meilleur

    • Ellega

      Merci ! Je ne sais pas si l’incarnation est le problème de toutes les personnes qui vivent ces épreuves mais je sens que c’est mon cas, j’ai toujours été « la tête dans les nuages », toujours à imaginer d’autres mondes, d’autres histoires. Aujourd’hui, je réalise que cette vie sur terre offre beaucoup elle aussi, je m’émerveille devant tout désormais, je me retrouve parfois à pleurer devant un rosier en fleurs tellement je trouve la vie magnifique. Le transgénérationnel peut aussi effectivement être une explication, le livre « femme désirée, femme désirante » en parle, mais j’avoue n’avoir pas vraiment creuser cette piste même si je pense qu’il y a beaucoup de chose aussi de ce côté là. Je note pour votre proposition de témoignage, je me permets donc de noter votre adresse mail pour vous recontacter le moment venu, si cela vous convient ! Je vais m’atteler à cet article alors, j’ignore quand il verra le jour, mais il viendra 🙂 Oui, le meilleur pour nous toutes ! Merci !

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