BIENVEILLANCE,  RESPECT

Avoir ou ne pas avoir d’enfants, telle est la question !

Chère Harmonie,

Attention spoiler, Harmonie, les deux prochains articles relèvent plutôt de la psychanalyse et du journal intime qu’autre chose. Alors si tu ne veux pas trop en savoir sur mes états d’âme, je te conseille de ne pas lire la suite !

Avoir ou ne pas avoir d’enfants ? C’est une question que Hamlet aurait pu se poser ! C’est surtout une question que nous nous posons tous, à un moment donné de notre vie ou toute notre vie durant.

Je suis de celleux qui n’a jamais réussi à se projeter avec des mouflets aux basques. Je ne suis pourtant pas non plus de celleux qui peuvent envisager sereinement leur avenir sans enfant. Dans ce cas-là, que fait-on au juste ? Eh bien, on se pose la question d’une façon plus profonde. On pèse les pour et les contres sans jamais savoir de quel côté on balance.

Honnêtement, Harmonie, je n’ai jamais dressé cette liste avant de commencer à écrire cette lettre. Je la faisais seulement dans ma tête. Pour étayer mon discours, je l’ai commencé et ne l’ai jamais fini…

Même si cette liste n’est clairement pas aboutie, on peut remarquer que les contres l’emportent en terme de quantité (et je crois qu’on trouve plus facilement des contres en terme général quand on fait des listes de ce type…). Par contre si l’amour est la seule raison valable, alors il n’est plus questions de nombres d’arguments.

Mais peut-on aimer un enfant qui n’est pas encore là et est-on sûr qu’on va l’aimer d’ailleurs ? Ne va-t-on pas regretter ? Est-ce une bonne idée d’avoir un enfant dans ce monde, avec le lot de nos propres blessures qu’on risque de lui transmettre ? N’a-t’on par trop d’attente pour lui et ne risque-t’on pas de l’étouffer au final ?

Bref, on peut trouver tout un tas de raison d’avoir ou de ne pas avoir des enfants. Des raisons écologiques, sociales, des raisons de liberté, d’égoïsme ou l’inverse justement. Pour chaque argument, on peut trouver son contraire. La vérité, c’est qu’on a beau penser en toute honnêteté que faire des enfants n’est sans doute pas la meilleure idée qui soit dans le contexte actuel (social et environnemental, car même si en terme de qualité de vie, on a jamais été aussi bons, l’avenir semble sombre).

Si cette constatation faite, on continue à se poser la question, je pense qu’on sait pourquoi. Au fond, ça signifie pour moi qu’on sait ce que l’on souhaite. Être parents. Car celleux qui n’en veulent pas, je crois, ne retournent pas sans cesse cette question dans leur tête. Ils n’en veulent pas, c’est tout.

Et maintenant, qu’on en est là ? On peut alors se poser légitimement la question, mais est-ce que ce désir ou besoin vient de moi ou de la société, de moi ou notre biologie qui nous pousse à la reproduction ? Car dans le domaine de la parentalité et de la maternité, les injonctions (encore elles) sont tellement nombreuses et chacun y va de son avis. 

Que vous n’ayez pas d’enfant ou que vous en ayez plusieurs, il y aura toujours quelqu’un pour dire que ce n’est pas bien, que ce n’est pas assez ou que c’est trop (tard ou tôt également) ? Est-ce qu’on ne fait pas aussi des enfants pour les autres ? Pour faire plaisir à notre famille ou au contraire par contradiction ? Le fait d’avoir des enfants alors devient presque un produit de consommation, quelque chose qu’on doit posséder ou non. J’en reviens alors à mon article « avoir ou être ?« … Dans ce cas, le verbe « avoir » est bien choisi : on veut avoir des enfants, mais est-ce qu’on veut vraiment être parents ?

Comment au final avec tout ça savoir ce qui vient de nous et ce qui vient de l’extérieur ? Je n’ai pas la réponse !

Je pars loin, je sais. Mais n’y a-t’il pas au fond pour les femmes, ce besoin de se prouver qu’on est capable ? Capable d’avoir des enfants au sens physique du terme ? De créer quelque chose avec son corps, de porter et mettre au monde un bébé, la vie ? Encore une fois, je n’en sais rien…

Tout cela est confus dans mon esprit et dans mon corps aussi d’ailleurs, alors je vais arrêter de tergiverser et je vais vous parler de mon expérience à moi, car c’est la seule dont je peux parler (oui, je dis toujours la même chose, mais c’est bien la vérité !). 

Comme je le disais, pendant longtemps, je ne me suis ni vu enceinte, ni mère. D’ailleurs, je ne suis pas vraiment à l’aise avec les enfants, j’ignore pourquoi, mais c’est ainsi. Pourtant, l’idée a commencé à faire son chemin dans mon esprit ou dans mon corps, ou les deux vers 24 ans. Était-ce l’horloge biologique ou autre chose ? Je n’en sais rien. En tout cas, je me suis mis à y penser. À y penser comme quelque chose qui pouvait se passer et qui n’était pas une idée hypothétique et très lointaine de moi.

J’ai commencé à l’évoquer à mon chéri comme ça, l’air de rien, de temps en temps, puis de plus en plus souvent. Il y avait toujours ce « un jour », ce « si ». Cela restait dans le futur comme quelque chose de possible, mais pas maintenant. Je n’étais pas dans l’attente de ce jour, ni dans le désir qu’il arrive vite, mais c’était devenu plus concret dans mon esprit. Désormais, je pouvais m’imaginer enceinte.

Je reprenais à ce moment-là la pilule depuis quelques mois. C’est là qu’on remarque que le changement dans mon esprit a été plutôt rapide entre le « un jour » et le « oui, j’ai envie ». En effet, quand j’ai décidé de reprendre cette contraception, j’étais dans l’angoisse de tomber enceinte par erreur et quelques mois plus tard, je ne comprenais pas pourquoi cette peur avait été si forte qu’elle me pousse à la reprendre. Je craignais désormais que la reprise de cette pilule ne rende une grossesse compliquée à son arrêt, quand nous déciderions de passer le cap.

Je repris donc mes recherches sur une contraception naturelle. Ce fut la découverte de la symptothermie. Je restai avec cette découverte quelque temps sans oser la mettre en application. Puis je franchis le cap. Comme je le disais dans ma lettre sur mon arrêt de la pilule, la crainte de tomber enceinte n’était plus aussi forte et de ce fait, je me sentis le courage de prendre cette responsabilité et surtout de la partager avec mon chéri.

Comment et pourquoi nous passâmes de « si je tombe enceinte, on sera content, mais ce n’est pas vraiment le moment donc on fait de la symptothermie » à « on verra bien » ? Je ne sais pas vraiment. Cela s’est fait en douceur, sans y réfléchir vraiment, je crois. Mais un jour, cela arriva.

Le 1er cycle sans surveillance, j’attendis mes règles comme d’habitude, sans même envisager qu’une grossesse soit possible et il fallut 3 jours de retard (alors que j’étais réglée comme un coucou suisse) pour que je réalise que « merde », mais mes lunes arrivèrent ce jour-là. J’oubliais immédiatement et le cycle suivant se déroula de la même manière sans aucune attente particulière.

Cette fois, il me fallut 4 jours de retard et des seins qui menaçait d’exploser pour dire à mon chéri : « c’est bizarre, je devrais avoir mes règles, elles ne sont pas là et j’ai tellement mal aux seins ». Il me demanda si je pouvais être enceinte, je jetai un œil à mon cyclogramme et lui annonçait, « ouais, c’est possible, mais ça m’étonnerait ». J’ajouterais ici que ma gynécologue m’avait dit qu’il fallait compter en moyenne 1 an d’essai avant une grossesse, d’où cette idée. Pourtant, le lendemain, je me réveillai avec la nausée. Elle ne me quitta pas de la journée. J’achetai donc un test de grossesse le soir même, mais il ne fonctionna pas. Mon chéri m’en acheta un autre le jour suivant qui se révéla positif.

Nous étions sous le choc, je peux vous le dire. Nous avions beau savoir que c’était possible et on avait beau avoir décidé de laisser la vie faire, on paniqua complètement. Pourtant, il me fallut quelques heures à peine pour imaginer cette nouvelle vie à 3 (enfin 5, je n’oublie pas nos deux chattes).

Je terminai ma transition vers le végétarisme à ce moment-là, et je fis un tri complet de l’appartement. Bref, je voulais faire toutes ces choses que je voulais faire pour être en accord avec mes valeurs, mais que je remettais jusqu’ici au lendemain. Le fait d’attendre un enfant me donnait des ailes, et je voulais faire ce qu’il y avait de mieux pour lui et pour nous. Et pourtant, la vie nous l’arracha.

Et cela remis en question toute ma Vision du Monde. Je pouvais en théorie donner la vie et pourtant, je n’avais donner que la mort. Et cela se produisit une deuxième (je voudrais dire seconde) fois, 18 mois plus tard. Je ne compte plus depuis tous les retards de règles, toutes les grossesses nerveuses, les crises d’angoisse et les crises de larmes que me vaut cette réalité. Alors, chaque jour, je me pose la question : vais-je devenir mère ? Vais-je donner la vie ? Suis-je une mauvaise personne pour que cela m’arrive ou ne m’arrive pas ?

La question d’avoir ou ne pas avoir d’enfant est devenue bien plus omniprésente. Désormais, elle est clairement au cœur de ma vie. Des discours les plus pragmatiques à ceux les plus psychologiques ne me permettent pas de savoir ce que je souhaite réellement. Suis-je capable d’être une femme épanouie si je ne deviens jamais mère ? Est-ce que notre couple survivra si nous n’y arrivons pas ? Ce qui est le plus dur, c’est que j’ai la sensation que je n’ai plus aucune prise sur cet événement. J’ai l’espoir que cela fonctionne et cet espoir me ronge, car il est sans cesse dans un coin de ma tête.

On me dit de lâcher prise et j’aimerais tellement, mais comment faire ? Comment ne pas se demander s’il est bien utile que j’achète cette robe pour tel événement dans plusieurs mois ? Puisque j’espère au fond de moi que ma morphologie sera différente et que je ne pourrais pas la porter ? En pensant cela, je me fais du mal à moi-même. La colère fait partie intégrante de ma vie désormais, je suis tout le temps en colère contre mon corps, contre la vie… Et cette colère bloque tout ! 

Je voudrais me résigner pour arrêter de souffrir, mais je ne le peux pas. Le plus aberrant, c’est que je ne sais même plus si je veux vraiment devenir mère avec toutes les responsabilités qui en incombe. J’ai découvert d’une horrible façon ce qu’est l’amour inconditionnel d’une mère et son impuissance sur la vie de son enfant… Suis-je vraiment capable d’endurer cela en toute connaissance de cause ? Je suis emplie de peur, de crainte et d’espoir à la fois. Et je ne sais que faire. Alors Harmonie, si toi, tu sais, ou si toi, lecteur, tu sais, comment savoir ce qu’on souhaite vraiment ?

Je n’ai pas parlé ici des examens que j’ai dû demander à corps et à cri. Examens pour savoir s’il y avait des raisons biologiques à ces difficultés. Si certains sont intéressés par ce sujet, j’en ferais une lettre dédiée. Pour les curieux, ces examens n’ont révélé aucune anomalie et nous ont laissé sans réponse et encore plus démunis. On nous propose des injections hormonales pour déclencher l’ovulation (ironie quand on sait que mon corps ovule bien). A toutes mes interrogations s’ajoutent donc celles de : « faut-il qu’on ait recours à cela pour avoir des enfants ? » Et tout ce que cela implique par rapport à mon désir de naturel dans ma vie… ou encore « est si on tentait l’adoption ? » mais pour cela il faudrait d’abord éclaircir toutes les questions précédentes.

Vaste sujet qu’une seule lettre ne saurait pas couvrir. Je m’excuse pour son fouillis, mais j’espère qu’elle vous aura donné des pistes de réflexion. Et j’attends votre propre point de vue sur celui-ci.

3 commentaires

  • Eni Luap

    Il est clair que le « problème » n’est pas biologique et tu le sais très bien. D’ailleurs l’ensemble de cette lettre tiens à le souligner davantage. Donc ne change rien à ce niveau là !

    Il est clair aussi que tu as trop de questionnements en toi pour laisser la place à autre chose. ils prennent une bonne partie de ta vie et ne laissent pas la place à autre chose de plus important (l’arrivée d’un enfant ou d’autres choses). Pour moi, c’est un peu trop « le bordel » dans ta tête pour que tu puisse arriver à des conclusions. Je ne sais pas ce qu’il faudrait que tu fasses, ou que tu ne fasse pas. Je ne sais pas quelle(s) méthode(s) que tu n’a pas essayée(s) tu peux mettre en place.

    Ton blog-thérapie est, je pense, une bonne idée. Mais peut être pas exactement ce qu’il faut. ça fait super cliché ce que je vais dire, mais je te conseillerais de développer le sujet avec une personne totalement neutre, extérieure à ta vie, un(e) thérapeute par exemple. Il est aussi difficile de trouver un(e) bon(ne) thérapeute que de trouver un bon coiffeur. Mais je pense qu’un(e) thérapeute peu arriver à mettre des mots sur ce que tu n’arrives pas à nommer. Et je sais à quels points les mots sont importants dans ta vie.

    Peut être qu’elle (il) pourrait t’aider à prendre du recul sur ta situation et enfin avoir cette vision globale qui te permettrait de mettre des mots sur ce que tu ressens, les causes, les raisons.

    Je pense que le lâcher prise viendra une fois que tu auras identifié les « problèmes » et les clés permettant de les résoudre. Le lâcher prise sera peut être la récompense et pas la solution. En te lisant je vois surtout quelqu’un de perdu au milieu de pleins de points d’interrogations, qui commencent à être rangés dans des étagères, mais quand même plantée au milieu de cette bibliothèque d’interrogation.

    Je sais que tu le sais déjà mais penser à autre chose, ou faire autre chose pour t’occuper l’esprit ne résoudra pas le problème. Je n’ai aucune idée à quel point cela peut être ou va être dur pour toi, mais je pense qu’un travail est c’est nécessaire pour te sentir bien (je ne veut surtout pas dire qu’il faut que tu arrêtes ou que tu mettes en pause tes projets qui te font du bien et pour lesquels tu t’investis, surtout pas ! Mais j’ai l’impression qu’il faut que tu mettes le doigt sur quelque chose pour que les choses se débloquent).

    En attendant je ne peux que te conseiller de t’accrocher aux personnes qui comptent pour toi et qui t’apportent du bonheur. De t’entourer de leur amour et de les laisser prendre soin de toi. Tes proches sont et seront essentiels pour t’aider, même si c’est pas facile, tu n’est pas seule 🙂

    Mes écrits sont encore plus désordonnés que les tiens mais je pense que le message est là ^^

    Sinon concernant le désir d’enfants, je serais contente d’en discuter avec toi (pression familiale, évidence, traditions, écologie, emmerdes…), quand tu en auras envie, il y a tant à dire dessus !

    Un gros coeur avec les deux mains,

    Eni Luap

    • Ellega

      Merci pour ton message ! C’est clair que c’est le bordel dans ma tête et plus j’essaye de ranger, plus c’est le fouillis ! Un thérapeute oui sans doute mais quel type de thérapeute ? Il y en a tellement sans parler de trouver le bon ensuite. Après est-ce qu’il y a un problème à régler ? Et ce que ce n’est pas tout simplement pas pour moi ? Tant de question sans réponse ! Et oui, on en reparlera ! Ah oui et pour le fait de mettre des mots oui mais c’est mon mental qui veut tout étiqueter et je ne suis pas sûre que cela soit nécessaire, il y a des choses qui passent, je pense, plus par le corps que par l’esprit 🙂 Toi, tu ne te poses pas ce genre de question ? Bisous

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