Qui suis-je ? Mon rapport au corps !
Chère Harmonie,
Je me demande sans cesse ce que je suis réellement… ou ce que je ne suis pas. Je peux trouver tout un tas de mot qui peuvent me qualifier. Je suis un être vivant. Je suis un être humain. Je suis une femme. Je suis une adulte. Je suis européenne. Je suis blanche. Je suis brune. Je suis fatiguée. Je suis en colère. Je suis chanceuse. Je suis maladroite. Je suis… Mais ces qualificatifs sont tous passagers ou fluctuants au final, non ? Et surtout réducteurs !
Je suis maladroite ce matin, mais demain ? Je suis peut-être chanceuse en amour, mais malchanceuse aux jeux. Je suis en colère maintenant et serait passé à autre chose dans 10 minutes. Je suis brune jusqu’à ce que la vieillesse fasse grise mine. Je suis Européenne car l’Europe existe aujourd’hui. Je suis une adulte, pourtant je reste une enfant. Je suis une femme, mais suis-je féminine ? Dois-je l’être ? Et la société ne m’impose-t-elle pas d’être féminine tout en n’étant pas cyclique, ni lunaire (je reviendrais sur ce point). Je suis un être humain dans cette vie, mais après et avant ? Je suis un être vivant, oui pour l’instant… Tout cela ne dit pas ce que je suis au fond, non ? Et vous qui êtes-vous ?
N’avez-vous pas tendance aussi à vous définir par votre fonction ? Je suis banquier, plombier, chauffeur, danseur, mère, père, tante, marraine… Tout ces mots sont réducteurs. Nous ne sommes pas seulement notre métier ou notre rôle dans la société ou dans notre famille.
Nous nous définissons aussi parfois par notre physique, je suis de taille moyenne, je suis châtain au yeux marrons, je suis plutôt fine avec un peu de cellulite… Notre corps prend aussi une grande place dans la façon dont nous nous définissons. N’est-ce pas parfaitement injuste que ce soit ce que l’on retient de vous au premier regard ? Je trouve cela injuste…
Et c’est donc du corps, de mon rapport au corps, que je voulais te parler dans cette lettre. Pour te demander si de ton côté, tu penses aussi que nous ne sommes pas qu’un corps ?
Dès toute petite, j’ai réalisé que je ne serais pas une championne en sport. Ma coordination n’a jamais été terrible (oui, ça se travaille, mais en avais-je envie ?), j’étais toujours la fille que personne ne voulait dans son équipe et très vite, j’ai « décidé » que ce n’était pas grave car peut-être que si mon corps n’était pas capable de prouesse physique et que a regardé non plus il ne faisait pas rêver, je pouvais du moins être un cerveau. Je suis donc bien sagement rentrée dans le moule de l’intello (pas binoclarde mais bon) incapable de rattraper un ballon. J’ai donc cultivé mon intellect, et je me suis donc définie comme étant intelligente ! J’en été fière (y’avait pas tellement de quoi, hein? je cassais pas 3 pattes à un canard non plus, mais j’avais des bonnes notes et c’est comme ça qu’on évalue l’intelligence, non ? (ironie bonjour) ) et je n’ai donc plus accordé plus d’attention que nécessaire à mon enveloppe charnelle ou seulement pour la dénigrer, trop grosse ici, trop plate là, peau grasse, cheveux indisciplinés, dentition pourrie, aucun muscle, aucune synchronisation, ni force… et j’en passe et des meilleures.
Impossible pour moi de réaliser que cette négligence à son égard était en fait renier une part de moi-même. Je réalise depuis peu que je cultive une colère contre mon corps depuis toujours. Je le considère incapable (conditionnement de l’enfance ? où on me disait sans cesse que j’avais deux mains gauches ? Probablement un peu) et donc défaillant. Pas étonnant alors qu’il réponde à cette colère par une incapacité réelle. De ce fait, je refusais de m’identifier à cette grande part de moi.
Alors, oui, je ne ressemble pas à une mannequin, et non, je suis incapable de faire le grand écart. Oui, je n’arrive pas à ne pas inspirer par le nez quand je mets la tête sous l’eau. Je ne sais ni claquer des doigts, ni faire un clin d’œil, encore moins siffler. Souvent, des objets m’échappent des mains. Je suis complètement abrutie sur un terrain de sport, mais ce n’est pas grave. J’apprend à calmer la voix en colère dans ma tête (qui des fois s’exprime même par ma bouche) qui hurle : « mais c’est pas possible d’être aussi empotée », « Quand est-ce que tu apprendras à faire attention à ce que tu fais », « Pourquoi j’arrive pas à faire cet exercice de Yoga ? Pourquoi ? Je suis pas fichue comme tout le monde ou quoi? ».
Aujourd’hui, Harmonie, j’apprend à faire la paix avec mon corps. J’apprend à l’apprécier comme il est, dans son imperfection qui fait de moi ce que je suis (un être imparfait dans un corps imparfait). Cela passe par, plein de petite choses :
– il y a l’alimentation bien sûr (plus équilibrée),
– les soins aussi (plus naturels) car je sais maintenant que je peux lui faire confiance pour se réguler seul, il n’a pas besoin de mon inquiétude alimentée par les photos et les vidéos avec du photoshopage ou du maquillage à outrance.
– Par le no-bra aussi (le fait de ne pas porter de soutien-gorge, j’y reviendrais si cela peut intéresser)
– Avec la non-épilation (chemin encore délicat pour moi, un autre sujet possible ?)
– Par le yoga (qui m’a beaucoup aidé au début de cette prise de conscience pour me reconnecter à lui et dont je reparlerais),
– ou encore la symptothermie (méthode naturelle de gestion de la fertilité, je pourrais en reparler aussi si jamais cela peut vous intéresser) et d’autres choses auxquelles je ne pense pas là, tout de suite.
Le chemin est encore long, je dois apprivoiser un mental conditionné par tant d’année de torture à moi-même. Maintenant, quand je reverse le contenu d’un verre par terre, alors que les phrases hurlent dans ma tête. Je respire un grand coup et je me dis : « ce n’est pas grave, ce n’est que de l’eau, je vais essuyer ».
Je ne sais pas encore qui je suis, mais je sais que je ne suis pas qu’un cerveau, je suis un corps aussi. Même si ce n’est que temporaire (je sous-entends que le cerveau est éternel par cette tournure de phrase, mais quand je dis cerveau, je l’associe à l’esprit, mais ce sont des notions compliqués, je reviendrais à la trinité – corps, âme et esprit, une autre fois, même si je ne maîtrise pas bien tout cela) , il me permet de vivre cette vie alors je tiens à en prendre soin et à l’aimer. Ne dit-on pas un esprit sain dans un corps sain ?
Et vous quel rapport entretenez-vous avec votre corps ?
Ellega
PS : En relisant cette lettre, j’ai l’impression de ne pas avoir réussi à exprimer vraiment mon point de vue. J’espère que tu m’as comprise, Harmonie…
3 commentaires
Iléana
Le rapport à notre corps peut se révéler complexe, c’est certain. Pour ma part, je suis persuadée que nous sommes conditionnés dès le début de notre existence à « atteindre la perfection ». On n’apprend pas à s’accepter (d’autant plus pour les femmes, qui veulent se fondre dans un cycle patriarcal linéaire alors que nous sommes cycliques ; j’ai hâte de lire ton article à ce sujet, d’ailleurs !). Et c’est là que la spirale infernale de l’auto-violence mentale débute…
C’est un grand pas d’arrêter de s’engueuler lorsqu’on fait tomber un truc par terre, par exemple ; ou d’arrêter de se faire du mal verbalement devant la glace !
Merci pour ce bel article. 🙂
Ellega
Je suis d’accord. Il y a beaucoup de conditionnement, notamment ce vieux dicton qui dit » il faut souffrir pour être belle »… C’est horrible quand on y pense ! Merci à toi de m’avoir lue 🙂
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