L’écriture et moi ou atteindre le non-mental ?
Chère Harmonie,
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé inventé des histoires. Toute petite, je préférais de loin être seule et me « raconter des histoires », comme disaient mes parents. J’étais la fille bizarre qui parlait toute seule dans son coin à la récréation. Par la suite, je me suis rendu compte que ça n’était pas « normal » et j’ai arrêté de le faire en public. Mais j’ai continué à me « raconter des histoires » dans ma chambre, seule. Je pouvais continuer une histoire pendant des jours et des jours.
L’apprentissage de la lecture a été pour moi un bonheur. J’ai découvert que je pouvais mettre sur papier les histoires qui emplissaient mon imagination d’enfant. Dès lors, je savais que je voulais écrire un roman, voir même des romans, un jour. Avec la lecture, je suis tombée amoureuse des mots, de leur sonorité, du papier et des lettres imprimées et du sens subtil de chaque terme, de la prose en somme.
J’ai toujours écrit sans savoir exactement pourquoi j’aimais cela. Aujourd’hui et grâce aux découvertes sur le mental, j’ai compris pourquoi cela me rendait heureuse, en dehors de la fierté de créer un univers, des personnages et de pouvoir partager tout ça avec d’autres, l’écriture me permet de me libérer de mon mental.
La plupart des artistes ou créateurs le savent. On fait d’ailleurs souvent référence à la muse, qui serait une entité indépendante qui permet à l’artiste d’avoir une idée et développer son art. La muse, pour moi, est tout simplement cet état auquel un créateur accède quand il créé, il s’agit du non-mental, l’absence de pensée et de jugement sur ce qu’il est en train de réaliser. Pour l’auteur, c’est lorsque les doigts pianotent sur le clavier sans qu’aucune pensée ne parasite son activité. Les mots coulent à flots, sans interruption, sans tension, sans comparaison, avec la certitude que c’est juste. Que c’est exactement ce que l’on voulait dire, comme si les personnages de son histoire prenaient subitement vie et que l’auteur se contentait de voir les images défiler et les mots se poser sur le papier/clavier…
Cet état de plénitude n’est pas forcément l’état naturel de l’auteur. Il apparaît parfois sans prévenir et d’autre fois refuse de venir, et souvent cela arrive quand le mental est revenu au premier plan avec ses jugements et ses peurs, non ?
C’est pour cette raison que je conseille à tout à chacun de s’essayer à des activités artistiques, que cela soit du dessin, de la peinture, de l’écriture, de la sculpture ou quoi que ce soit d’autres. C’est un véritable bonheur d’atteindre cette zone de paix où on se sent inspirée et créatif et où le quotidien a soudain moins de prise sur nous. Il n’y a donc pas forcément besoin de méditer, de faire du yoga ou de pratiquer la pleine conscience (qui nécessite quand même à la base une certaine discipline), il suffit de prendre sa feuille et son stylo par exemple et de laisser notre main écrire (ou dessiner) ce qui vient… Tout simplement.
Il est inutile d’avoir un but précis d’ailleurs, mais au-delà de vous libérer du stress ou d’émotions négatives qui traînent dans votre tête, il se pourrait bien que soudain tout s’efface pour laisser la place à la création pure. Alors le temps n’aura plus de prise sur vous. Cela ne durera sûrement que quelques instants, mais je crois que c’est l’état d’illumination dont parle Eckhart Tolle, ce moment où l’on est, simplement, la conscience… Ou quelque chose comme ça.
Pour revenir au but, Jean Klein dans Être reprend les mots de Tagare et dit » Le but d’une véritable oeuvre d’art est de déterminer l’indéterminable. A ce moment-là, celui qui écoute, voit, entend ne s’attarde pas sur la pâte, la surface, la forme, il est envoyé spontanément à un non-état. Il éprouve joie et félicité. Au moment de l’expérience, l’artiste est dans un état non duel (j’y reviendrais), l’oeuvre d’art est un véhicule pour y parvenir. »
Alors, j’ai envie de continuer à écrire encore et toujours pour me sentir entière. Et peut-être je permettrais à mes potentiels lecteurs d’oublier le matériel de la vie pendant quelques heures d’évasions. Qu’en penses-tu Harmonie ? Je crois que le fait que « l’art » persiste dans le monde malgré son inutilité apparente vient de là, car non seulement les créateurs en ont besoin, mais ceux qui apprécient aussi, car cela leur permet d’atteindre aussi une certaine forme d’Harmonie justement, sinon comment peut-on expliquer un tel engouement pour certaines œuvres ?
En effet, je crois que la lecture peut avoir le même effet sur le lecteur que l’écriture sur l’auteur : n’avez-vous jamais eu l’impression de quitter un monde de paix en refermant un livre, comme si pendant votre lecture vous aviez atteint une forme de paix et vous en reveniez avec un peu plus d’amour pour la vie, mais aussi avec un immense regret ?
Au fond, je sens que notre essence même est le fait que nous soyons des créateurs, tous à notre humble niveau et nous avons juste besoin de nous en souvenir. Qu’en pensez-vous ?
Ce qui est sûr, c’est que préoccupée par des pensées qui tournent sans fin dans ma tête, je suis incapable d’écrire. Je suis comme bloquée, tandis qu’en phase de « création », soudain tout semble plus facile… Ça ne veut pas dire que quand je relis mes textes, je les trouve merveilleux, loin de là, d’ailleurs, souvent, c’est même le contraire, car mon mental revient dans toute sa puissance et me dit que « c’est tout pourri », mais alors oserais-je vous partager un de mes écrits (vraiment, pas comme cette copie d’écran floutée) ? J’y pense sérieusement… Est-ce que cela vous intéresserait ?
Ellega
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